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"Arcadie", par Julien Verhaeghe
L’exposition Arcadie que présente Géraud Soulhiol à 22,48 m² est l’occasion de revenir sur une pratique centrée sur le dessin. Les quatre séries de compositions mises en avant figurent une variété de représentations qui tantôt s’appuient sur un réel immédiat, à l’instar des vols d’avions vue de dessus inspirés des photographies aériennes de Google Earth, tantôt sont conçues de toute pièce, en puisant dans l’imaginaire de l’artiste des paysages et des architectures inventées.
Les différentes compositions ont en commun une exécution minutieuse et la finesse des détails ; les formats relativement humbles font que l’ensemble de cette pratique porte la comparaison avec un art de la miniature. Le regard est alors encouragé à se pencher sur ces dessins et ces peintures, peut-être parce qu’il est pris de curiosité pour ce qu’il ne perçoit pas en premier lieu, à moins que cela ne soit pour s’ébaudir d’une forme d’adresse dans le geste qui consiste à rétrécir le monde. Ce même regard, cependant, est décontenancé, non seulement du fait que ce qu’il observe n’existe pas vraiment, mais aussi parce que des éléments subreptices interfèrent avec son désir d’interpréter. Les Mirages, par exemple, mettent en avant des ilots que l’on pourrait dire pastoraux. Les monts et les reliefs qui surgissent de l’eau sont assistés par la présence surplombante de nombreuses grues de construction ; ces dernières en paraissent étranges, presque surnaturelles, car elles dénotent avec un paysage inaltéré, aussi parce qu’elles ne diffusent aucun reflet à la surface des eaux. Les Mirages relèvent donc, comme leur nom l’indique, de l’illusion, de la même façon que l’on est induit en erreur par le cercle peint à même le verre qui recouvre l’œuvre. Celui-ci donne en effet l’impression d’avoir affaire à une lentille grossissante, cependant qu’il ne s’agit jamais que d’une couche de peinture.
Il y a, par conséquent, une sorte de paradoxe dans le geste de Géraud Soulhiol, dans la mesure où ses compositions appellent à une observation plus attentive, alors qu’elles aspirent à contrefaire l’acte de perception. On retrouve cette apparente contradiction dans les autres séries de l’exposition, selon différentes modalités, à l’image du triptyque Mouvement n°1 où les trois compositions semblent de prime abord identiques. Un coup d’œil plus appliqué permet de relever les différences d’orientation des grues de construction. Celles-ci ont d’ailleurs, et de loin, un air de pupitres d’orchestre musical. Elles signalent du même coup l’infime variation de matière qui distingue les choses, à condition de les voir à la bonne distance. La série des Palais joue également de cet intervalle entre identification et subterfuge, par exemple lorsque les structures architecturales se déploient selon des perspectives rigoureuses, tandis que les jeux de symétrie altèrent de façon souterraine le sentiment de réalisme. De ce fait, le regard est perturbé par le caractère résolument ordonné de ces constructions. II s’attend peut-être à relever une forme d’imperfection, un indicible je-ne-sais-quoi inégal mais caractéristique du réel, alors qu’à l’inverse, ces structures renvoient, au niveau de l’assise et de la contenance, à un sentiment d’achèvement. C’est aussi ce qui permet à ces structures de s’inscrire dans le registre des architectures utopiques.
Géraud Soulhiol admet cependant ne pas se focaliser sur les implications sociales ou culturelles des architectures qu’il élabore, ce que sous-tend, en règle générale, l’utopie. Ces Palais, qui possèdent une forme de monumentalité, négligent par exemple la dimension fonctionnelle accompagnant tout projet de construction. L’utopie est, en outre, neutralisée par les références à des archétypes architecturaux dont la physionomie ou le style sont reconnaissables. En retrouvant, entre autres, des références aux cathédrales occidentales, aux pyramides précolombiennes, aux architectures orthodoxes ou aux temples khmers, elle laisse place à une volonté de bâtir un paysage construit dont le propre serait d’associer une forme de créativité à un réel existant. C’est ce qui, du reste, permet de faire le lien avec le cartographe soucieux de traduire le monde avec vérité, alors que ses restitutions possèdent toujours une part d’arbitraire. De la même manière, si les lieux convoqués par Géraud Soulhiol font naître une géographie particulière, aussi est-ce parce que les noms qu’il donne à chacun de ses palais s’inspirent de l’Atlas Miller de 1519, dont certains motifs spéculent sur la réalité physique de diverses régions du monde, en fabulant l’existence de personnages ou d’animaux fantastiques, ou en attribuant à des cités imaginaires une appellation qui sollicite une mystique moyenâgeuse. Le caractère passablement ébréché des structures de Géraud Soulhiol renforce par ailleurs l’allusion à un temps révolu à travers la mise au jour d’une sémantique de la ruine. Cette dernière déroute d’autant plus un regard qui se tournerait vers l’avenir, en infusant une atmosphère marquée par une forme de mélancolie d’ordinaire propice à la rêverie.
Pour le reste, on perçoit avec ces Palais peut-être davantage que dans les séries précédentes un mode de travail qui s’appuie sur une approche combinatoire et associative. Il s’agirait, pour Géraud Soulhiol, d’expérimenter des configurations à partir de prélèvements de la réalité, donc de procéder selon une logique du montage. C’est d’autant plus ce que l’on observe avec la série des Envols dans laquelle des vues d’aéroports glanées sur Google Earth sont reproduites sur des soucoupes à thé. L’attention est portée sur l’instant très singulier où des avions se situent à une hauteur raisonnable du sol, de manière à laisser une ombre apparente, tandis que le caractère circulaire du fond des soucoupes donne l’impression d’observer le monde à travers un hublot. L’artifice agit aussi dans le cas présent comme une manière de stimuler l’acte de perception, le travail de miniaturisation étant poussé à son extrême, de même que la précision des couleurs retranscrit jusqu’à la texture un peu blême des écrans que l’on tente de représenter par d’autres moyens. Immobilisés dans les airs et faisant corps avec des paysages synonymes de voyages, ces avions participent d’une sorte d’insouciance. Le regard qui s’évade rattrape ainsi la figure du rêveur solitaire tel que l’investit Géraud Souhiol, lui qui explique partir à la recherche de ces photographies d’avions sur le net comme on part à la chasse aux papillons. Cet aspect nous ramène à l’essentiel de son travail. Souvent exact et ordonné, parfois facétieux, il donne l’apparence d’une enquête picturale visant avant toute chose à piéger le regard de diverses manières ; surtout, il ramène le sens de la vision à une expérience où la réjouissance se mêle à l’évasion.
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"Territoires recomposés", entretien par Thomas Fort , Drawing Now 08, Paris-Art, 22 avril 2014
Dessinateur, Géraud Soulhiol nous transporte dans un univers miniature nourrit par l’exubérance architecturale du monde dans lequel on évolue. Il s’attarde, par un trait précis, et un goût du détail, à recomposer des territoires et des architectures dont la fonction reste à imaginer.
Thomas Fort : Vos dessins semblent se référer en premier lieu à l’idée du jeu d’enfant.
Géraud Soulhiol : Mon processus de création date évidement de l’enfance. Bien sûr ma pratique a évolué, et c’est par un regard rétroactif que je vois le lien avec mes dessins d’enfant. Toutefois la dimension du jeu et le plaisir de dessiner restent primordiaux. Ce qui m’intéresse c’est que les enfants n’inventent rien, ils recomposent des mondes, des images, à partir de ce qu’ils connaissent, de ce qu’ils voient autour d’eux.
Les scènes recomposées se dévoilent telles des images lointaines, presque comme des souvenirs de paysages vus au travers de la vitre d’un véhicule.
Je suis un dessinateur d’atelier avant tout. Quand je travaille je me mets en retrait du monde. Je vais sur place pour constater les choses, ou recueillir des images, mais c’est ensuite que je les recompose dans l’espace de l’atelier. J’use en effet d’un vocabulaire du souvenir, pour mettre en scène des situations où les acteurs principaux sont les décors architecturaux, et non l’humain. Je travaille avec de petits éléments du paysage. Par exemple dans les séries La Bataille (2011) ou La Forêt (2007), il y a l’idée de la vision du paysage observé par le train. On retient d’abord de celle-ci les arbres et les poteaux électriques. Je m’amuse alors à recomposer des scénarios à partir de ces éléments.
La question du point de vue est primordiale. Nous observons les scènes presque toujours en plongée.
Cette position rappelle celle du démiurge. Dans la série Arena (2009-2011), nous survolons ces territoires dans une perspective axonométrique. Celle-ci se réfère aux jeux vidéos de stratégie, où on devient l’acteur, «le général», d’un monde miniature représenté sans perspective ni point de fuite. Pour la série Terre (2014), on change de point de vue. Cette fois-ci on est dans quelque chose de plutôt plat, mais qui joue avec la profondeur instaurée par l’effet de brume ou d’effacement, produit à l’aide de l’aquarelle. Ces vues lointaines nous montrent tout, et pourtant elles restent difficiles à appréhender car il faut aussi aller chercher le détail, se rapprocher. Ces recherches se réfèrent aussi à la représentation à travers l’estampe japonaise. Au Japon la conception de la perspective est totalement différente de son acception européenne. Plus on est bas dans la composition plus on est près, et inversement, plus on est haut plus on s’éloigne. Cette succession de plans m’intéresse car c’est une vision globale et ouverte sur les choses.
Skylines recomposées, stades hybrides, forteresses inversées... plusieurs de vos dessins mettent à mal le bâti, perturbent sa fonctionnalité. Quel rapport entretenez-vous avec l’architecture?
L’architecture s’inscrit dans mes dessins tel un décor. Elle demeure par essence le décor de la vie humaine. Sa fonctionnalité m’intéresse peu en tant que telle. Je préfère questionner sa puissance évocatrice, l’impact ou le souvenir qu’elle peut laisser quand on traverse une ville ornée de multiples monuments, par exemple. Lorsque j’hybride un bâtiment, je cherche à produire une situation nouvelle, à ouvrir une histoire que le spectateur peut écrire selon ses propres fantasmes, ses propres projections. Chaque dessin devient alors une proposition ouverte représentant un fragment, quelque peu flottant, d’un monde dont les règles restent à imaginer.
Vous proposez des décors dont l’histoire s’amorce. Cependant ces derniers, tout en étant des commencements, sont en ruine comme si l’histoire avait déjà eu lieu. Pourquoi le choix de la ruine?
La ruine m’intéresse dans son aspect archéologique. Mes dessins sont à explorer comme on découvre les ruines de temps révolus. On se retrouve, seul, face à ces décors quasi fantômes, inanimés, vides de tout être humain. Comme un archéologue, un explorateur solitaire, on se questionne sur ces indices étranges, où l’architecture se compose par l’assemblage de styles opposés. Ce doute sur la signification n’a pas vraiment de réponse, mais ouvre plutôt notre réflexion à un vaste champ de possibilités.
Votre travail s’étend vers de multiples directions, tel un réseau de références, une cartographie mouvante…
Ma manière de travailler s’approche de l’idée d’arborescence. Il y a quelque chose de très empirique. J’attache un soin particulier aux détails, en évitant au maximum le raccourci, pour m’attarder sur la globalité de la composition. Je déploie un ensemble d’indices qui s’assemblent et se répondent, pour créer un monde à la fois personnel et ouvert au public. C’est une façon de représenter l’Histoire, de la recréer. Dans mon travail des architectures réelles côtoient d’autres constructions plus ou moins fantasmées. La Tour de Babel peinte par Bruegel l’Ancien revient souvent, comme un leitmotive. Ma fascination pour cette peinture répond au monde actuel qui cherche sans cesse à construire de nouvelles «Babel». La Burj Khalifa de Dubaï ou même certains stades en sont les exemples les plus marquants. J’étends mon territoire de recherches, petit à petit, un peu à la manière d’un explorateur. La cartographie m’intéresse beaucoup, notamment dans son évolution par rapport à la grande époque des découvertes.
Votre travail évoque indéniablement une tradition de la miniature et notamment de la carte en relief. Cependant ici elle est déplacée à l’ère du numérique.
Je suis fasciné par les plans en relief. En 2012, le Grand Palais exposait d’ailleurs les chefs-d’œuvre de la collection de plans-reliefs établis de Louis XIV à Napoléon III. Il s’agit là, en quelque sorte, de l’ancêtre de Google Earth©. Le Hublot (2013), présenté lors de l’exposition "La Vue" à la Galerie 22,48 m² en 2013, faisait d’ailleurs dériver notre regard sur cette cartographie numérique, constituée d’une multiplicité d’images satellites.
Google Earth© recompose aujourd’hui la planète par un maillage d’images.
Ce logiciel propose une recomposition fascinante. À l’époque des grandes expéditions, des terra incognita, les explorateurs s’entouraient de dessinateurs pour réaliser des cartes et des croquis. Les cartes étaient ensuite recomposées en fonction de ces souvenirs de périples. Certaines zones étaient alors totalement fantasmées par rapport à la réalité. Cette vision de l’inconnu donnait lieu à la représentation de continents, ou de contrées, tels des monstres marins imaginaires. Avec Google Earth© le monde est presque en train de se clore. On connait à peu près tout, et on se trouve coincé sur cette terre quasiment totalement découverte. Mes dessins se présentent alors telle une nouvelle possibilité d’agencement, en vue de produire un monde quasi parallèle. Cette recomposition, avec une légèreté apparente, pose finalement aussi la question du devenir humain.
Vous interrogez des architectures se tournant vers une surenchère esthétique, comme les stades. Cette exubérance dirige même la reproduction de certains monuments mythiques à travers le monde.
Ces monuments tendent vers le gigantisme, vers le monumental, mais on peut tout de même se poser des questions quant à leur viabilité. Certains d’entre eux sont tellement connus et visités qu’on en a produit des multiples. La Tour Eiffel en est le meilleur exemple. On la retrouve en Chine ou à Las Vegas. Je m’intéresse aussi à ces duplications, dans leur rapport à la miniature. On reproduit ces architectures en divers objets dérivés. Les touristes ont ainsi l’impression de rapporter un fragment de Paris en achetant une petite Tour Eiffel en toc. Un autre effet de cette popularisation, est celui des parcs d’attractions de miniatures, comme Mini Europe à Bruxelles. Ici, on reconstitue un territoire hybride où sont associées des villes très éloignées dans la réalité comme Venise et Londres par exemple. Je constitue également, avec mes dessins, ou même par l’assemblage Stade-Cathédrale (2012), un monde portatif construit à partir de différents fragments prélevés ou inspirés du réel.
Le monde en devenir que vous dessinez, à l’image futuriste, semble se construire par l’assemblage de fragments du passé... Use-t-on nécessairement du passé pour fonder notre avenir?
En architecture on ne construit jamais le présent. Un projet architectural se pense toujours en fonction du futur jusqu’au jour où celui-ci devient la norme et s’inscrit alors comme une dimension déjà passée. Par exemple, un des dessins de la série Terre (2014) représente une skyline constituée d’un ensemble de tours antennes relais, autres monuments typiques des villes contemporaines. Ces architectures, ici rassemblées, produisent l’image d’une ville presque futuriste, alors qu’elle n’est composée que d’éléments existants. En Allemagne ces tours se sont d’ailleurs développées entre les années 1950-1970, tels de véritables fétiches urbains. Aujourd’hui elles préservent un certain aspect rétro-futuriste. Utiliser des images qui se réfèrent à une histoire passée, me sert à produire un monde englobant toutes les dimensions temporelles: présent, passé et futur.
Cette skyline ne répond-elle pas également à l’utopie de certains projets urbanistiques contemporains, comme la future île aux musées du district de Saadiyat à Abu Dhabi ?
Je m’intéresse à des architectures qui finissent par s’opposer à toute fonctionnalité. Plus qu’une utopie on se dirige vers une idée de contre-utopie architecturale, pour fonder un monde proche de l’esthétique développée par le film Blade Runner par exemple. À partir de ce postulat, on peut imaginer des villes complètement fantasmées, régies par des défis de plus en plus grands, et par une surenchère jamais satisfaite. On en arrive étrangement à penser, de manière presque naturelle, une ville a-fonctionnelle, comme cette île aux musées. La série Terre renvoie à ces questionnements, et propose un rassemblement typologique de ces monuments dé-fonctionnalisés.
Le Projet Arena (2013) porte, d’ailleurs, à son paroxysme cette perte de fonctionnalité de l’architecture, par l’hybridation des stades ou leur renversement.
Les collisions architecturales que j’opère entre les stades et les cathédrales percutent, non sans humour, une certaine idée du sacré. Les stades deviennent en quelque sorte les nouvelles cathédrales de notre époque. Ils renvoient également aux arènes antiques, et à l’Histoire, où ces monuments incarnent, depuis toujours, la représentation du pouvoir. S’ils portent une revendication, je préfère en extraire une image plus poétique. Par exemple j’ai retourné sur lui-même le stade Vélodrome de Marseille dans le Projet Arena (Contre-Stade Vélodrome), 2013. Finalement, face à ces nouveaux temples, on se questionne sur la véritable fonction de ces architectures. Je n’ai pas la réponse. C’est à vous de me le dire.
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"Psychogéographies imaginaires", par Pierre Malachin
"J'ai bâti de si beaux châteaux que les ruines m'en suffiraient"
Jules Renard
Google Maps, célèbre application en ligne accessible à tous, a changé radicalement notre façon d'explorer le monde, celle-ci s'est progressivement démocratisée au point de devenir une activité ludique et terriblement addictive. Des grandes explorations historiques nous parviennent quantité de documents (cartes, croquis, objets, photographies...), descriptions subjectives de territoires et de civilisations inconnus, suscitant fantasmes sur la vie locale et visions imaginaires anthropologiques. Géraud Soulhiol, jeune artiste sélectionné cette année pour la 56ème édition du Salon de Montrouge est de ces explorateurs de l'imaginaire, rapportant de ces voyages dans l'ennui, les visions d'un monde inconnu.
Ses oeuvres, dessins ou sculptures représentent des portions de territoires, isolés, anachroniques, ou bien encore des pensées, des introspections liées à des situations quotidiennes. Ainsi, Arena est une série de dessins exécutés au crayon en vue axonométrique, qui à pour sujet les stades - édifices monumentaux ici travestis en cathédrales, en industries ou encore colonisés par des fortifications. Autre série, les Natures Mortes sont littéralement des "galettes" de petites figurines en plastique, fondues et enchevêtrées les unes dans les autres en une masse informe. Enfin, Vanités est une série de dessins au café soluble sur des sous-tasses, représentations naïves et automatiques de ses pensées et de ses préoccupations quotidiennes.
La pratique artistique de Géraud Soulhiol, son univers qui mélange dessin, bricolage et cuisine comme autant d'activités ludiques innocentes a un lien très fort avec son enfance, époque de tout les possibles, où la découverte mêlant exploration et imaginaire, qui se traduit les jours de pluie - jours d'ennui - par la création d'univers bricolés ou dessinés, décors d'actions fantasmées. Mais qu'on ne s'y trompe pas, même si les oeuvres de Géraud Soulhiol semblent naïves et innocentes au premier regard, on entre dans celle-ci comme dans un musée d'une civilisation disparue ou parallèle à notre monde. Ici, on survole les ruines de paysages fantasques et dépeuplés, colonisés et transformés à outrance par la religion, la guerre ou l'industrie, la technologie se substituant à la nature, et le monde animal se transformant en charnier mutant.
Géraud Soulhiol, poutant, n'en fait que le constat, puisque les univers qu'il crée n'existent que dans son imaginaire. Ces répertoires d'hétérotopies qui, s'ils se réfèrent à l'innocence nostalgique de l'enfance où faire la guerre est un jeu, sont surtout prétextes à la mise en scène, à un point de départ narratif qui nous invite à parcourir, du regard, le décor labyrinthique proposé, pour que nous puissions, nous aussi, explorer.